dimanche 10 décembre 2017

Lecture : "Survie Magazine n°1"



Ayant récemment replongé mon nez dans le monde de la survie, mon regard a été attiré hier soir par deux magazines dans le rayon presse d'une grande surface. Il s'agit de Survie Magazine n°1 et de Suvival n°11. Après les avoir feuilleté, je me suis laissé tenter et j'ai dépensé 7,5€ pour acquérir chacune de ces deux parutions. Je vais partager avec vous mes impressions de lecture et je vous préviens je n'ai pas pris des pincettes !

Survie Magazine n°1


84 pages (dont 11,5 pages de pub), format A4 couleur.
Comme le précise le rédac chef dans l'édito, la presse papier va mal. Forcément, on est en 2017 et Internet est devenu LE vecteur de l'information. Se lancer dans le secteur moribond des magazines est un peu couillu. Le rédac chef ne répond pourtant pas à la question qu'il pose : pourquoi lancer Survie Magazine dans ce contexte économique ? Apporte-t-il une plus-value au lecteur ? Quel est l'avantage concurrentiel qui va le faire survivre, sans jeu de mots ?
Ça se poursuit par "nous tenons à nous différencier du concept de survivalisme américain très centré sur l'apocalypse et l'anxiété", importante précision quand on voit qu'ils sont partenaires du "premier" Salon du Survivalisme alors que c'est un magazine de survie...

Après l'édito, le sommaire et de l'info-pub, un article de 4 pages sur la recherche et le filtrage de l'eau. À quoi sert une photo sous-titrée "Comment fabriquer un filtre à eau", s'il n'y a pas de description de l'installation photographiée ? A priori il s'agit d'un trépied fait de bâtons auxquels sont accrochés trois étages de poches en tissu l'une au dessus de l'autre. Une autre photo d'une demi-page avec un gars qui récupère de l'eau dans un étang avec... roulements de tambour... une bouteille en plastique !! Wouahou ! "La bonne vieille bouteille en plastique s'avère toujours utile." Tu m'étonnes... Une autre photo encore, de distillateur solaire qui, si on ne connait pas le principe de fonctionnement, n'apporte strictement rien au lecteur. On aurait préféré un SCHÉMA !! En parlant du permanganate de potassium comme agent purifiant, il est noté entre parenthèse "attention néanmoins à ce produit" : peut-on en savoir plus ? Qu'est-ce qui est dangereux, la dose ? L'exposition aux yeux, aux muqueuses ?
Un autre truc délirant : "le matin, marchez une petite heure avec votre tee-shirt ou un morceau de tissu noué autour de vos chaussures." L'idée est de récolter de la rosée, mais franchement, vous êtes sérieux en conseillant de marcher aussi longtemps ? Il suffit de trouver une prairie et de traîner le T-shirt sur les herbes...

Article sur les couteaux de survie, s'étalant sur 5 pages. Déjà la première photo, floue, montrant un abri de branches et fougères, avec lit et table intégrés, sous-titrée "Un couteau de survie peut vous servir à construire un abri." Sans blague ? Je croyais que ça servait à se curer le nez... Il faut qu'on m'explique aussi  comme le couteau de survie "peut aussi servir lors du nouage de ses branchages", en parlant du fameux abri si bien illustré. J'ai envie de dire : WTF ?!
Petite citation : "votre couteau vous permet de récupérer des copeaux de bois ou de racler un morceau de bois avec la lame créant ainsi de l'amadou, ce qui s'avère précieux lors de la réalisation de son nid douillet (feather stick) et démarrer un feu sous n'importe quelles conditions." Non mais stop là , j'en suis seulement à la page 14 et j'ai déjà envie de transformer ce magazine en allume-feu... "Récupérer" des copeaux de bois avec un couteau ? Est-ce bien le verbe récupérer ou j'ai la berlue ? Ah mais voilà, il y a une énorme photo pour illustrer cela, sous-titrée "Votre couteau permet de râcler [Ndlr : accent circonflexe authentique] des copeaux de bois pour faire du feu", sauf que le gars est plutôt en train de DÉCOUPER des copeaux... En raclant un morceau de bois, on peut donc créer de l'amadou, toujours selon l'auteur, et lancer un feu même par temps humide youpi ! Qu'est-ce qu'il ne faut pas lire... Allez je passe au prochain gag : "Par contre un couteau ne doit pas être simplement choisi car il résiste au bâtonnant, tous les experts en survie vous dirons[..]". Deux coquilles l'une à la suite de l'autre dans une même phrase, je propose une médaille.
Mais le plus dingue c'est le titre "Couteau de survie : lequel choisir ?", alors que juste après on t'explique que c'est un choix très personnel et qu'il n'y a pas de couteau de survie type. Ah bah merde, je croyais qu'on allait me conseiller le meilleur type de couteau pour la survie...

"Marque de fabrique" affichée, les grands reportages. Celui qui fait la couverture porte sur un trappeur en Sibérie prénommé Anatoli. Le reportage tient 8 pages, avec de grandes photos pleine page, mais le texte ne tient en fait que sur une seule page. Il semblerait qu'il n'y ait pas grand chose à dire sur ce bon vieux Anatoli et son vieux fusil de chasse "à la crosse sculptée" (on s'attendrait à voir un dessin de cerf fait à la main, au coin du feu, mais en fait ce ne sont que de vulgaires rainurages). J'aurais aimé trouver au moins un petit encart avec une astuce de survie détaillée et adaptée à ce contexte géo-climatique...

S'en suit un article sur les insectes comme source de nourriture, qu'on peut tout simplement lire en ligne : 5 RAISONS QUI DEVRAIENT VOUS FAIRE PRATIQUER L’ENTOMOPHAGIE. Si j'achète un magazine, ce n'est pas pour trouver des articles disponibles en ligne, non mais quelle arnaque !

Je ne suis même pas arrivé à la moitié du magazine... C'est une situation de survie en elle-même, cette lecture !!!

Suivent 8 pages d'interview d'un formateur "vie dans la nature" et d'un formateur combat/survie/fourre-tout. À un moment ça part en trip philosophique avec une citation de Krishnamurti, se concluant par "aujourd'hui l'homme refuse d'admettre que lorsqu'il tombe, ce n'est pas la faute de son pied." Je propose un dépistage de THC en urgence !!
Trois photos de végétaux avec une légende super utile : "On peut très bien se nourrir avec des plantes, encore faut-il savoir les reconnaître." Vous êtes sérieux ? Donc en gros il faut venir à vos formations pour savoir quelles sont ces plantes ? N'oubliez pas les gugus que j'ai déjà lâché 7,5€, je ne m'attendais pas à vous voir sortir des citations de lama tibétain...
Cela ressemble surtout à de la pub pour leurs formations, et je n'ai pas été vraiment convaincu !

Article self-défense sur la bonne manière d'utiliser une bombe lacrymogène, en 4 pages avec 14 photos différentes pour illustrer le propos. Son auteur Franck Ropers est un expert en Penchak Silat dont on retrouve les vidéos sur internet. Le gars pèse dans le game pour ainsi dire, on n'a pas envie de le taper pour le fun. Il y a un nécessaire paragraphe sur la législation qui prohibe bien sûr le port des bombes lacrymo et un autre sur la légitime défense (à mon sens incomplet). Les aspects techniques sont bien expliqués, le magazine n'est peut-être pas tout à brûler en définitive. Le seul truc qui me chagrine c'est que les photos d'illustrations sont prises dans la rue alors qu'il est bien mentionné que le port d'une lacrymo est interdit dans ce contexte-là (ok j'en conviens, c'est de la connerie législative).

Article "bushcraft" de 6 pages du bien connu David Manise, en fait des extraits de son dernier livre "Manuel de (sur)vie en milieu naturel". Pour avoir jeté un coup d’œil à la copie pirate qui traîne sur le net, il donne vraiment envie de l'acheter. L'article est tagué "Bushcraft" mais le contenu est centré sur "La puissance du mental" en situation de survie, surtout que sur la couverture du magazine on peut lire "Bushcraft - David Manise - La survie en milieu naturel" et j'ai envie de dire quel rapport ?
Contenu intéressant car écrit par un expert qu'on ne présente plus, mais c'est dommage que ce ne soit pas du contenu inédit. Si je possédais déjà une copie de son livre, je serais un peu frustré de tomber sur ces extraits.

Ensuite on tombe sur un dictionnaire d’abréviations anglo-saxonnes typique du tant décrié survivalisme américain (#TEOTWAWKI). Très utile pour survivre...

Quatre pages sur la cueillette des plantes sauvages. J'adore la pauvre photo d'une châtaigne perdue sur sa feuille, sous-titrée "une châtaigne". Faut vraiment être un parisien de troisième génération pour ne pas savoir ce qu'est une châtaigne ! C'est un article assez généraliste qui présente quelques photos de plantes comestibles probablement insuffisantes pour les repérer sans danger dans la nature. J'aurais préféré un focus sur trois ou quatre plantes, avec schémas, photos et moult détails. On saluera cependant la présence d'un encadré sur la législation de la cueillette.

Encore un "grand reportage" de 8 pages, cette fois-ci avec beaucoup plus de texte que pour celui du trappeur sibérien, traitant d'un stage commando au Gabon : la piste Malibe. Le style d'écriture est de bonne qualité, et on se laisse vite entraîner dans la jungle par l'auteur. C'est franchement cool mais on croirait lire un numéro de RAID, pas sûr que cela apporte grand chose au lecteur qui s'attend à lire des trucs sur la survie.

Puis un article de 4 pages intitulé "Le kit de survie ou bug out bag" rubrique "Pratique" (notons que sur la couverture il était annoncé comme "Le sac d'évacuation ou Bug Out Bag" rubrique "Matériel", c'est brouillon au possible). Dès la première phrase ça part en sucette : "Le pape du survivalisme est français". Ah bon ? L'auteur n'est visiblement jamais sorti de sa chaumière... Que dirait Rawles, Saxon et les autres en lisant cette phrase ? Je veux bien reconnaître que Vol West est le pape du survivalisme francophone, mais de là à en faire le pape du survivalisme en général, faut pas pousser Mémée dans les orties ! Troisième phrase de l'intro : "Plus de 400 000 personnes visitent son blog !" et là j'ai envie de demander, par jour, par semaine, par mois, par an ? Mais où est-ce qu'ils ont dégoté ces pigistes bordel !? Fin de l'intro avec une coquille extra : "Burn Out Bag". Oh Jackie faut prendre un congé parce que là t'es en burn out mon gars !
Il nous sort au premier paragraphe une citation de Kissinger : "Si vous n'entendez pas les tambours de guerre, c'est que vous êtes sourd ! La survie, c'est pour demain." et s'empresse de dire que la survie ce n'est pas le survivalisme, mais c'est bizarre parce que l'article parle du BOB du "pape du survivalisme".... Heureusement le reste de l'article tient la route, probablement parce que la source est correcte !

On approche de la fin, avec un article de 6 pages sur "Faire face à un chien" dans la rubrique "Comportement". Une page est consacrée à un rappel de la législation sur les chiens dangereux, et la photo d'une gueule prend une autre page. Je ne m'intéresse pas trop aux chiens donc je ne saurais évaluer la qualité de l'information, mais de mon avis de béotien, ça a l'air de tenir la route.

Avant dernier article, 3,5 pages de "Test Matos" sur les "Bottes tactiques". 8 paires testées par 5 personnes, avec un prix de 95 à 200€. Petit encadré sur les nouvelles chaussures de l'Armée française. Je doute que cet article ait sa place dans un magazine de survie, un peu comme le reportage sur le stage commando, mais il en faut pour tous les goûts !

Pour conclure un article de 3 pages sur "La thermorégulation : une base pour la survie" rubrique "Pratique". C'est une bonne chose qu'ils abordent la priorité numéro un en cas d'urgence. Pas d'info farfelue, on a même droit à un tableau de refroidissement éolien. Tu sens la patte "no bullshit"de Vol West.

Ainsi s'achève ma lecture, j'avoue que je suis plutôt déçu par tant la forme que le fond d'une grande partie de ce magazine. Peut-être est-ce dû à sa jeunesse ou peut-être que mon œil d'amateur averti qui s'intéresse à la survie depuis une vingtaine d'années s'attendait à un produit plus riche et propre pour les 7,5€ qu'il coûte ?
Trop de fautes, d'accents oubliés, de retours à la ligne intempestifs, on se demande si le texte a été relu avant de partir à l'impression ! Ça me rappelle le livre auto-édité de FerFAL...

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